- Qu’est-ce que le baseload et comment se distingue-t-il du peakload ?
- Comment cette gestion baseload/peakload fonctionne-t-elle sur le réseau électrique ?
- Quels facteurs influencent les prix baseload et peakload au quotidien ?
- La différence entre baseload et peakload a-t-elle encore de l’importance pour votre entreprise ?
Avec 68 millions d’habitants et plus de 4,5 millions d’entreprises – selon les derniers chiffres de l’Insee, auxquels il faudrait ajouter les secteurs de l’agriculture et de la finance –, difficile d’imaginer stabiliser la consommation d’électricité en France à chaque minute.
À tout instant, des appareils s’éteignent. D’autres s’allument. Des pannes se déclenchent. Des fours chauffent. Des plombs sautent. Des machines s’activent.
Le secteur de l’électricité, lui, a besoin d’une stabilité à toute épreuve. La consommation doit correspondre à la production. Mais il ne craque pas face aux imprévus : il s’adapte. La fluctuation est une clé de voûte essentielle à prendre en compte pour la production d’électricité. Elle s’ajuste ainsi constamment pour éviter de provoquer une surchauffe, une chute de tension ou – pire ! – un blackout.
Comment le système y parvient-il ? En partie par la division de son offre en deux éléments distincts : le baseload, qui assure un socle constant de production ; le peakload, qui réagit au plus vite pour s’adosser à la demande.
Qu’est-ce que le baseload et comment se distingue-t-il du peakload ?
La demande constante : le rôle du baseload
Le baseload, son nom l’indique, c’est la base. C’est la ressource qui permet d’avoir des fondations solides dans la production d’électricité. Le rôle du baseload est d’assurer le minimum vital pour le réseau. Il limite alors le recours aux autres sources de production et donc les fluctuations.
Schématiquement, le baseload revient à définir ce qui sera le point le plus bas d’une consommation d’électricité au cours d’une journée. Tout ce qui est en-dessous devient le socle de la production d’électricité. Vous savez que vous aurez constamment un besoin de tant de MW de puissance. Le baseload est une fourniture d’électricité en continu.
Sur eco2mix, le site de RTE, vous ne pouvez pas vous y tromper. Sur une journée, un trait indique le minimum de consommation électrique. On peut considérer qu’il s’agit du baseload, même si cette donnée peut être légèrement différente en tenant compte des capacités de stockage (hydraulique ou par batterie), des cycles de production des renouvelables comme le solaire en cours de journée et surtout des heures de consommation.
Le 26 mai, cette base se situait à une puissance de 32 100 MW, à 4 heures du matin. D’ailleurs, ce même jour, la disponibilité du parc nucléaire était de 36 217 MW – une partie de cette production étant exportée. Le baseload était ainsi en quasi intégralement fourni par les centrales atomiques.
Les pointes de consommation : l’utilité du peakload
À l’inverse, il y a aussi des pics de consommation. Lorsque la France se réveille et prépare son café, la demande en électricité bondit. Lorsque chacun rentre chez soi après sa journée de labeur pour se préparer à manger, à nouveau, il faut plus d’électricité.
Plus généralement, lorsque les usines s’activent, que les bureaux se chauffent et que l’activité économique bat son plein, la demande électrique est plus forte. Pour cela, le peakload a été fixé sur les jours ouvrés (du lundi au vendredi, hors jours fériés) et pendant les créneaux diurnes – entre 8 heures et 20 heures précisément.
Pour garder l’exemple du 26 mai, le peakload correspond grossièrement au besoin situé au-dessus du minimum situé entre 8 heures et 20 heures, soit environ 41 000 MW, avec une pointe de consommation à 48 048 MW à 12 h 45.
Baseload contre peakload : le résumé des différences clés
Comment le système électrique réagit-il à cette demande supplémentaires ? En faisant appel aux centrales du peakload, capables de répondre au plus vite à un besoin pressant. Dans le milieu, on appelle cela la dentelle, par opposition au bloc inamovible du baseload.
En résumé, aujourd’hui, le baseload et le peakload sont deux périodes de plus en plus contrastées sur les marchés électriques français. En outre, le baseload s’affranchit désormais des énergies fossiles en France.
Grâce au parc nucléaire massif et au soutien des énergies renouvelables, la comparaison entre baseload et peakload devient marquée.
Baseload | Peakload | |
---|---|---|
Surnom | Bloc | Dentelle |
Temporalité | 7 jours sur 7, 24 heures sur 24 | Jours ouvrés de 8 heures à 20 heures |
Production | Constante | Temporaire |
Réactivité | Moyenne voire basse | De rapide à très rapide |
Coût marginal | Moyen | Élevé |
Coût d’investissement | Élevé | Moyen |
Poids carbone | Très faible en France | Fort |
Coûts sur les marchés | Moyen | Variable selon les produits |
Comment cette gestion baseload/peakload fonctionne-t-elle sur le réseau électrique ?
En athlétisme, chacun se spécialise. En électricité, c’est exactement pareil. Explications sur les deux disciplines phares du secteur : le peakload et le baseload.
Les centrales « marathoniennes », taillées pour fournir le baseload
Pour tenir 24 heures, sans s’arrêter, plusieurs jours d’affilée, il faut du souffle, de la réserve, un cœur solide à toute épreuve. Tous ne peuvent le faire, sauf à charbonner tellement que les pertes énergétiques et en rejets carbonés sont considérables.
Parmi ces marathoniens imperturbables, on compte :
- les centrales nucléaires, base fondamentale du mix énergétique français ;
- des centrales hydroélectriques au fil de l’eau ;
- des centrales charbon/gaz en cycle combiné leur permettant de tenir la distance, mis de côté en France mais toujours utilisés dans d’autres pays comme l’Allemagne.
Si leur démarrage prend généralement du temps jusqu’à atteindre leur pleine puissance – plus particulièrement pour un premier lancement comme avec l’EPR de Flamanville –, leur capacité à tenir longtemps optimise finalement les coûts de production.
Mais cela nécessite surtout de s’assurer d’un débouché permanent pour cette production. Elles sont donc bien adaptées à un fonctionnement en base, avec un minimum d’arrêts. Autant que possible, une centrale baseload ne s’arrête pas tant qu’elle peut produire. Il faut à ces centrales des consommateurs réguliers.
Les centrales « sprinteuses », pour rejoindre le peak plus vite que les autres
Usain Bolt, lui, est capable de démarrer au quart de tour. Mais peut-il tenir la distance ? Vous savez bien que le Jamaïquain n’est pas fait pour gagner un marathon aux Jeux olympiques. Ce n’est pas ce qu’on lui demande.
Eh bien, en électricité, des centrales sont aussi devenues des spécialistes de la vitesse de croisière express. Parmi les plus rapides et réactives, on compte :
- les centrales à gaz ;
- les centrales à charbon – bientôt fermée en France – voire à fioul ;
- les barrages hydroélectriques associés à un système de pompage (Step) ;
- les batteries (adossées à une source renouvelable) ;
- les grands consommateurs… quand ils s’arrêtent de consommer et « s’effacent ».
Tous ces acteurs de l’électricité ont un point commun : ils fonctionnent de manière ponctuelle. Ils sont flexibles, avec une capacité à s’arrêter et à redémarrer rapidement.
Ils deviennent aujourd’hui essentiels pour répondre à des hausses de la demande très marquées. Le monde est bien fait, ce sont aussi les centrales qui se situent en fin de merit order, avec des coûts marginaux importants.
Mais puisqu’elles ne fonctionnent pas toujours, la question de leur rémunération se pose. C’est tout l’enjeu du mécanisme de capacité. Ce dernier permet de soutenir financièrement ces sprinteurs pour le service qu’ils rendent au réseau électrique, avec une rémunération complémentaire sur l’ensemble de l’année. Comme un échauffement avant le sprint.
Les nouveaux renouvelables, une autre manière de courir
A priori, l’éolien et le solaire ne sont pas forts dans le peakload. Puisque leur fonctionnement dépend de facteurs externes (le vent, le soleil), on ne peut les démarrer au quart de tour. Tout au plus peut-on les couper pour limiter le phénomène des heures négatives.
Au premier abord, l’éolien et le solaire ne sont pas non plus des adeptes du baseload. Leur production est prédictible, mais variable. On ne pourra pas avoir du soleil à un même niveau de production sur 24 heures, pas même au pôle nord en plein été. En base, ils manquent de fiabilité.
Finalement, ces centrales renouvelables jouent un nouveau rôle dans ces disciplines, avec un rôle malgré tout crucial et influent. Le leur. Elle courent à leur manière.
En produisant, elle diminuent à la fois le besoin en centrales dédiées au peakload et au baseload. Elles créent une nouvelle couche, qui invite le consommateur à une nouvelle stratégie. Pourquoi ne pas faire confiance au comportement erratique du papillon plutôt qu’à la tortue ou au lièvre dans la course des marchés de gros ?
Le coût de l’énergie lié au peakload et au baseload : la base est-elle toujours plus compétitive ?
Pour comparer les prix de l’électricité sur les marchés de gros, il faut regarder plusieurs produits sur une application comme Futures. On peut alors comparer différents produits, comme les produits calendaires peakload et le baseload de 2026 et 2027.
Sur le marché à terme de l’électricité, il n’y a alors pas de doute : le peakload est plus cher que le baseload. Cela semble logique : ce sont des centrales qui fonctionnent sur des périodes charnières et viennent répondre à une demande supplémentaire. Ces centrales sont encore principalement carbonées. Le peakload se situe donc sensiblement plus haut, avec un spread d’environ 10 €/MWh.
Mais sur le marché spot, où les prix sont définis la veille pour le lendemain sur un pas horaire en fonction du merit order, c’est moins évident. Au prix moyen à l’année, on pourrait même se dire que les heures du peakload sont… tout aussi compétitives, si ce n’est plus sur ces derniers mois.
D’où vient ce paradoxe ? Pour comprendre comment la transition énergétique opère une bascule dans le rapport entre baseload et peakload, il faut en revenir aussi aux facteurs sur lesquels repose la construction du prix de l’électricité.
Quels facteurs influencent les prix baseload et peakload au quotidien ?
La météo : un acteur incontournable
Aujourd’hui, les gestionnaires de réseau s’appuient sur des modèles pour prévoir au plus près la consommation, au jour le jour. Ces prévisions dépendent fortement des derniers bulletins météorologiques.
Pourquoi une telle influence ? Parce que la consommation moyenne en France dépend des températures extérieures. Après le choc pétrolier des années 70, en plus de la construction du parc nucléaire, les logements neufs ont été équipés en chauffages électriques.
Un tiers des ménages se chauffe aujourd’hui à l’électricité. La moindre baisse de température d’un degré Celsius relève d’environ 2,4 GW la puissance appelée sur le réseau. Par conséquent, notre pays est dit thermosensible.
La disponibilité des moyens de production : un équilibre fragile
De plus, la météo a aujourd’hui un rôle dans la production électrique liée aux installations renouvelables. Pour l’éolien comme le photovoltaïque, les changements extérieurs vont modifier la puissance produite. En fonction de cette donnée, les besoins en peakload seront plus ou moins forts.
De plus, la disponibilité des moyens alloués habituellement à la production de baseload est cruciale. Lorsque le parc nucléaire peut répondre presque intégralement aux besoins constants, en variant légèrement sa puissance au fil de la journée, cela évite de faire appel à d’autres centrales dédiées au peakload.
À l’inverse, en 2022, la maintenance prolongée des réacteurs nucléaires a provoqué des besoins supplémentaires en centrales fossiles. Les centrales peakload ont participé à la stabilisation du réseau… en provoquant une explosion des prix, puisque ses ressources étaient très chères.
Les échanges transfrontaliers : l’Europe de l’électricité élargit sa base
Enfin, les interconnexions électriques sont influentes autant dans le baseload que dans le peakload. En tant que variables d’ajustement, elles permettent d’optimiser les différences de mix énergétiques entre pays voisins.
Ainsi, un système avec un fort baseload comme la France viendra proposer des prix bas grâce à une production abondante, sûre… mais peu flexible. Cela rentabilise aussi le fait d’avoir de nombreuses centrales baseload : sans ces débouchés vers l’extérieur, il faudrait davantage mettre des centrales nucléaires au repos pour éviter de les faire produire pour rien.
À l’inverse, des pays au fort taux de renouvelables viennent fluidifier la gestion des pics de demande en diminuant le recours aux dernières centrales électriques du merit order. Les importations depuis l’Espagne en journée permettent à la France de diminuer ses besoins.
C’est le principe du foisonnement, particulièrement applicable aux renouvelables. Il lisse les productions et les consommations sur un terrain de jeu plus vaste. Ce sont des économies d’échelle qui permettent d’avoir besoin de moins de sprinters, les marathoniens découvrant le trail au-delà des fleuves et des montagnes.
La différence entre baseload et peakload a-t-elle encore de l’importance pour votre entreprise ?
Oui, pour mieux négocier son contrat d’électricité
Votre profil de consommation n’est pas neutre. Avec la question du peakload et du baseload, vous voyez bien que les prix de marchés évoluent différemment avec un jeu d’équilibre permanent entre offre et demande.
C’est pour gérer et anticiper cette différence qu’une partie de l’électricité sur les marchés à terme est vendue spécifiquement sur la période 8 h-20 h des jours ouvrés.
L’horosaisonnalité des prix de l’énergie est importante à prendre en compte. Vous devez donc comprendre celle de votre consommation.
Votre fournisseur s’appuiera sur cela pour essayer d’optimiser son approvisionnement sur les marchés de gros. Autrement dit, il vous proposera un prix en fonction de votre profil de consommation, celui-ci indiquant vos besoins moyens en baseload et en peakload. Grâce à cela, il peut appliquer un pourcentage de baseload et de peakload à votre prix global, en tenant compte d’un peakload qui coûte environ 10 €/MWh de plus en produit calendaire.
Par conséquent, si votre pic d’activité se situe en fin d’année sur les horaires habituels de travail, vous ne devriez pas négocier de la même manière auprès d’un fournisseur que si vous consommez l’été en milieu de journée.
Oui, mais le prix du peakload n’est pas toujours plus cher !
Le peakload, c’est donc une électricité vendue pendant 5 jours sur 7 et sur douze heures, de 8 heures à 20. Or, depuis plusieurs années, l’émergence du solaire a modifié les courbes de prix sur le marché spot. Ainsi, en journée se forme souvent un creux de plus en plus marqué : c’est la courbe dite « en dos de canard ».
En semaine, ce creux persiste alors qu’il se situe en plein dans les heures du peakload. Par conséquent, ces heures sont de moins en moins chères.
L’équilibre offre-demande devient plus favorable aux consommateurs en milieu de journée. En début et en fin de journée, aux limites du peakload le plus souvent, la consommation domestique augmente alors que les centrales solaires ne sont pas encore à pleine puissance. On assiste ainsi à un renversement des courbes côté spot, où le peakload moyen sur l’année 2024 a été moins cher que le baseload moyen. Cela renforce l’attractivité de stratégie spécifique comme le bloc + spot pour les entreprises fortes consommatrices d’électricité.
Le baseload et le peakload à l’heure de la transition énergétique : le temps de l’adaptation
Aujourd’hui, la différence entre peakload et baseload n’a donc plus la même signification. La plateforme boursière du marché de l’électricité en Europe, EEX, a même modifié le peakload en Espagne pour en faire un produit disponible sur tous les jours de la semaine, la production photovoltaïque ne s’arrêtant pas les jours non-ouvrés.
Alors qu’on pouvait précédemment y voir un parallèle avec les heures creuses, ce n’est plus aussi vrai tant que celles-ci n’ont pas été modifiées, même si la CRE prévoit un basculement des heures creuses vers le milieu de journée à partir de l’automne 2025.
Mi-mai, le gouvernement a d’ailleurs incité les fournisseurs d’énergie a développé de nouvelles offres avec des heures dites super creuses ou solaires. Elles doivent diriger une partie de la consommation d’électricité pour recharger les véhicules électriques vers des périodes de forte production renouvelable.
Aujourd’hui, l’objectif pour le réseau électrique est de lisser la consommation au fil de la journée. En augmentant cette base, le recours à des centrales fossiles diminuera encore.
Mieux, en y ajoutant des réseaux toujours plus intelligente, davantage de flexibilité voire des batteries plus performantes et capables de devenir une ressource pour le peakload avec le power to grid (P2G), le réseau va devenir plus résilient encore.
Et en l’adoptant, on gagne une ressource aussi variable que les courbes de consommation, mais devenue pilotable grâce aux bons outils.
C’est la force du papillon. Jamais seulement chenille, pas toujours caché dans sa chrysalide, il adopte son propre rythme. Celui d’un réseau agile qui se transforme selon les cycles et les besoins.
Nul besoin de courir, il faut se brancher à point.

Article rédigé par Côme Tessier
Rédacteur web pour Collectif Énergie, je m’évertue à glisser des touches sportives ou des notes sucrées pour rendre plus accessibles les sujets liés à l’énergie. Sans jamais oublier de traquer les doubles espaces qui perturbent la lecture.
Avec 68 millions d’habitants et plus de 4,5 millions d’entreprises – selon les derniers chiffres de l’Insee, auxquels il faudrait ajouter les secteurs de l’agriculture et de la finance –, difficile d’imaginer stabiliser la consommation d’électricité en France à chaque minute.
À tout instant, des appareils s’éteignent. D’autres s’allument. Des pannes se déclenchent. Des fours chauffent. Des plombs sautent. Des machines s’activent.
Le secteur de l’électricité, lui, a besoin d’une stabilité à toute épreuve. La consommation doit correspondre à la production. Mais il ne craque pas face aux imprévus : il s’adapte. La fluctuation est une clé de voûte essentielle à prendre en compte pour la production d’électricité. Elle s’ajuste ainsi constamment pour éviter de provoquer une surchauffe, une chute de tension ou – pire ! – un blackout.
Comment le système y parvient-il ? En partie par la division de son offre en deux éléments distincts : le baseload, qui assure un socle constant de production ; le peakload, qui réagit au plus vite pour s’adosser à la demande.
Qu’est-ce que le baseload et comment se distingue-t-il du peakload ?
La demande constante : le rôle du baseload
Le baseload, son nom l’indique, c’est la base. C’est la ressource qui permet d’avoir des fondations solides dans la production d’électricité. Le rôle du baseload est d’assurer le minimum vital pour le réseau. Il limite alors le recours aux autres sources de production et donc les fluctuations.
Schématiquement, le baseload revient à définir ce qui sera le point le plus bas d’une consommation d’électricité au cours d’une journée. Tout ce qui est en-dessous devient le socle de la production d’électricité. Vous savez que vous aurez constamment un besoin de tant de MW de puissance. Le baseload est une fourniture d’électricité en continu.
Sur eco2mix, le site de RTE, vous ne pouvez pas vous y tromper. Sur une journée, un trait indique le minimum de consommation électrique. On peut considérer qu’il s’agit du baseload, même si cette donnée peut être légèrement différente en tenant compte des capacités de stockage (hydraulique ou par batterie), des cycles de production des renouvelables comme le solaire en cours de journée et surtout des heures de consommation.
Le 26 mai, cette base se situait à une puissance de 32 100 MW, à 4 heures du matin. D’ailleurs, ce même jour, la disponibilité du parc nucléaire était de 36 217 MW – une partie de cette production étant exportée. Le baseload était ainsi en quasi intégralement fourni par les centrales atomiques.
Les pointes de consommation : l’utilité du peakload
À l’inverse, il y a aussi des pics de consommation. Lorsque la France se réveille et prépare son café, la demande en électricité bondit. Lorsque chacun rentre chez soi après sa journée de labeur pour se préparer à manger, à nouveau, il faut plus d’électricité.
Plus généralement, lorsque les usines s’activent, que les bureaux se chauffent et que l’activité économique bat son plein, la demande électrique est plus forte. Pour cela, le peakload a été fixé sur les jours ouvrés (du lundi au vendredi, hors jours fériés) et pendant les créneaux diurnes – entre 8 heures et 20 heures précisément.
Pour garder l’exemple du 26 mai, le peakload correspond grossièrement au besoin situé au-dessus du minimum situé entre 8 heures et 20 heures, soit environ 41 000 MW, avec une pointe de consommation à 48 048 MW à 12 h 45.
Baseload contre peakload : le résumé des différences clés
Comment le système électrique réagit-il à cette demande supplémentaires ? En faisant appel aux centrales du peakload, capables de répondre au plus vite à un besoin pressant. Dans le milieu, on appelle cela la dentelle, par opposition au bloc inamovible du baseload.
En résumé, aujourd’hui, le baseload et le peakload sont deux périodes de plus en plus contrastées sur les marchés électriques français. En outre, le baseload s’affranchit désormais des énergies fossiles en France.
Grâce au parc nucléaire massif et au soutien des énergies renouvelables, la comparaison entre baseload et peakload devient marquée.
Baseload | Peakload | |
---|---|---|
Surnom | Bloc | Dentelle |
Temporalité | 7 jours sur 7, 24 heures sur 24 | Jours ouvrés de 8 heures à 20 heures |
Production | Constante | Temporaire |
Réactivité | Moyenne voire basse | De rapide à très rapide |
Coût marginal | Moyen | Élevé |
Coût d’investissement | Élevé | Moyen |
Poids carbone | Très faible en France | Fort |
Coûts sur les marchés | Moyen | Variable selon les produits |
Comment cette gestion baseload/peakload fonctionne-t-elle sur le réseau électrique ?
En athlétisme, chacun se spécialise. En électricité, c’est exactement pareil. Explications sur les deux disciplines phares du secteur : le peakload et le baseload.
Les centrales « marathoniennes », taillées pour fournir le baseload
Pour tenir 24 heures, sans s’arrêter, plusieurs jours d’affilée, il faut du souffle, de la réserve, un cœur solide à toute épreuve. Tous ne peuvent le faire, sauf à charbonner tellement que les pertes énergétiques et en rejets carbonés sont considérables.
Parmi ces marathoniens imperturbables, on compte :
- les centrales nucléaires, base fondamentale du mix énergétique français ;
- des centrales hydroélectriques au fil de l’eau ;
- des centrales charbon/gaz en cycle combiné leur permettant de tenir la distance, mis de côté en France mais toujours utilisés dans d’autres pays comme l’Allemagne.
Si leur démarrage prend généralement du temps jusqu’à atteindre leur pleine puissance – plus particulièrement pour un premier lancement comme avec l’EPR de Flamanville –, leur capacité à tenir longtemps optimise finalement les coûts de production.
Mais cela nécessite surtout de s’assurer d’un débouché permanent pour cette production. Elles sont donc bien adaptées à un fonctionnement en base, avec un minimum d’arrêts. Autant que possible, une centrale baseload ne s’arrête pas tant qu’elle peut produire. Il faut à ces centrales des consommateurs réguliers.
Les centrales « sprinteuses », pour rejoindre le peak plus vite que les autres
Usain Bolt, lui, est capable de démarrer au quart de tour. Mais peut-il tenir la distance ? Vous savez bien que le Jamaïquain n’est pas fait pour gagner un marathon aux Jeux olympiques. Ce n’est pas ce qu’on lui demande.
Eh bien, en électricité, des centrales sont aussi devenues des spécialistes de la vitesse de croisière express. Parmi les plus rapides et réactives, on compte :
- les centrales à gaz ;
- les centrales à charbon – bientôt fermée en France – voire à fioul ;
- les barrages hydroélectriques associés à un système de pompage (Step) ;
- les batteries (adossées à une source renouvelable) ;
- les grands consommateurs… quand ils s’arrêtent de consommer et « s’effacent ».
Tous ces acteurs de l’électricité ont un point commun : ils fonctionnent de manière ponctuelle. Ils sont flexibles, avec une capacité à s’arrêter et à redémarrer rapidement.
Ils deviennent aujourd’hui essentiels pour répondre à des hausses de la demande très marquées. Le monde est bien fait, ce sont aussi les centrales qui se situent en fin de merit order, avec des coûts marginaux importants.
Mais puisqu’elles ne fonctionnent pas toujours, la question de leur rémunération se pose. C’est tout l’enjeu du mécanisme de capacité. Ce dernier permet de soutenir financièrement ces sprinteurs pour le service qu’ils rendent au réseau électrique, avec une rémunération complémentaire sur l’ensemble de l’année. Comme un échauffement avant le sprint.
Les nouveaux renouvelables, une autre manière de courir
A priori, l’éolien et le solaire ne sont pas forts dans le peakload. Puisque leur fonctionnement dépend de facteurs externes (le vent, le soleil), on ne peut les démarrer au quart de tour. Tout au plus peut-on les couper pour limiter le phénomène des heures négatives.
Au premier abord, l’éolien et le solaire ne sont pas non plus des adeptes du baseload. Leur production est prédictible, mais variable. On ne pourra pas avoir du soleil à un même niveau de production sur 24 heures, pas même au pôle nord en plein été. En base, ils manquent de fiabilité.
Finalement, ces centrales renouvelables jouent un nouveau rôle dans ces disciplines, avec un rôle malgré tout crucial et influent. Le leur. Elle courent à leur manière.
En produisant, elle diminuent à la fois le besoin en centrales dédiées au peakload et au baseload. Elles créent une nouvelle couche, qui invite le consommateur à une nouvelle stratégie. Pourquoi ne pas faire confiance au comportement erratique du papillon plutôt qu’à la tortue ou au lièvre dans la course des marchés de gros ?
Le coût de l’énergie lié au peakload et au baseload : la base est-elle toujours plus compétitive ?
Pour comparer les prix de l’électricité sur les marchés de gros, il faut regarder plusieurs produits sur une application comme Futures. On peut alors comparer différents produits, comme les produits calendaires peakload et le baseload de 2026 et 2027.
Sur le marché à terme de l’électricité, il n’y a alors pas de doute : le peakload est plus cher que le baseload. Cela semble logique : ce sont des centrales qui fonctionnent sur des périodes charnières et viennent répondre à une demande supplémentaire. Ces centrales sont encore principalement carbonées. Le peakload se situe donc sensiblement plus haut, avec un spread d’environ 10 €/MWh.
Mais sur le marché spot, où les prix sont définis la veille pour le lendemain sur un pas horaire en fonction du merit order, c’est moins évident. Au prix moyen à l’année, on pourrait même se dire que les heures du peakload sont… tout aussi compétitives, si ce n’est plus sur ces derniers mois.
D’où vient ce paradoxe ? Pour comprendre comment la transition énergétique opère une bascule dans le rapport entre baseload et peakload, il faut en revenir aussi aux facteurs sur lesquels repose la construction du prix de l’électricité.
Quels facteurs influencent les prix baseload et peakload au quotidien ?
La météo : un acteur incontournable
Aujourd’hui, les gestionnaires de réseau s’appuient sur des modèles pour prévoir au plus près la consommation, au jour le jour. Ces prévisions dépendent fortement des derniers bulletins météorologiques.
Pourquoi une telle influence ? Parce que la consommation moyenne en France dépend des températures extérieures. Après le choc pétrolier des années 70, en plus de la construction du parc nucléaire, les logements neufs ont été équipés en chauffages électriques.
Un tiers des ménages se chauffe aujourd’hui à l’électricité. La moindre baisse de température d’un degré Celsius relève d’environ 2,4 GW la puissance appelée sur le réseau. Par conséquent, notre pays est dit thermosensible.
La disponibilité des moyens de production : un équilibre fragile
De plus, la météo a aujourd’hui un rôle dans la production électrique liée aux installations renouvelables. Pour l’éolien comme le photovoltaïque, les changements extérieurs vont modifier la puissance produite. En fonction de cette donnée, les besoins en peakload seront plus ou moins forts.
De plus, la disponibilité des moyens alloués habituellement à la production de baseload est cruciale. Lorsque le parc nucléaire peut répondre presque intégralement aux besoins constants, en variant légèrement sa puissance au fil de la journée, cela évite de faire appel à d’autres centrales dédiées au peakload.
À l’inverse, en 2022, la maintenance prolongée des réacteurs nucléaires a provoqué des besoins supplémentaires en centrales fossiles. Les centrales peakload ont participé à la stabilisation du réseau… en provoquant une explosion des prix, puisque ses ressources étaient très chères.
Les échanges transfrontaliers : l’Europe de l’électricité élargit sa base
Enfin, les interconnexions électriques sont influentes autant dans le baseload que dans le peakload. En tant que variables d’ajustement, elles permettent d’optimiser les différences de mix énergétiques entre pays voisins.
Ainsi, un système avec un fort baseload comme la France viendra proposer des prix bas grâce à une production abondante, sûre… mais peu flexible. Cela rentabilise aussi le fait d’avoir de nombreuses centrales baseload : sans ces débouchés vers l’extérieur, il faudrait davantage mettre des centrales nucléaires au repos pour éviter de les faire produire pour rien.
À l’inverse, des pays au fort taux de renouvelables viennent fluidifier la gestion des pics de demande en diminuant le recours aux dernières centrales électriques du merit order. Les importations depuis l’Espagne en journée permettent à la France de diminuer ses besoins.
C’est le principe du foisonnement, particulièrement applicable aux renouvelables. Il lisse les productions et les consommations sur un terrain de jeu plus vaste. Ce sont des économies d’échelle qui permettent d’avoir besoin de moins de sprinters, les marathoniens découvrant le trail au-delà des fleuves et des montagnes.
La différence entre baseload et peakload a-t-elle encore de l’importance pour votre entreprise ?
Oui, pour mieux négocier son contrat d’électricité
Votre profil de consommation n’est pas neutre. Avec la question du peakload et du baseload, vous voyez bien que les prix de marchés évoluent différemment avec un jeu d’équilibre permanent entre offre et demande.
C’est pour gérer et anticiper cette différence qu’une partie de l’électricité sur les marchés à terme est vendue spécifiquement sur la période 8 h-20 h des jours ouvrés.
L’horosaisonnalité des prix de l’énergie est importante à prendre en compte. Vous devez donc comprendre celle de votre consommation.
Votre fournisseur s’appuiera sur cela pour essayer d’optimiser son approvisionnement sur les marchés de gros. Autrement dit, il vous proposera un prix en fonction de votre profil de consommation, celui-ci indiquant vos besoins moyens en baseload et en peakload. Grâce à cela, il peut appliquer un pourcentage de baseload et de peakload à votre prix global, en tenant compte d’un peakload qui coûte environ 10 €/MWh de plus en produit calendaire.
Par conséquent, si votre pic d’activité se situe en fin d’année sur les horaires habituels de travail, vous ne devriez pas négocier de la même manière auprès d’un fournisseur que si vous consommez l’été en milieu de journée.
Oui, mais le prix du peakload n’est pas toujours plus cher !
Le peakload, c’est donc une électricité vendue pendant 5 jours sur 7 et sur douze heures, de 8 heures à 20. Or, depuis plusieurs années, l’émergence du solaire a modifié les courbes de prix sur le marché spot. Ainsi, en journée se forme souvent un creux de plus en plus marqué : c’est la courbe dite « en dos de canard ».
En semaine, ce creux persiste alors qu’il se situe en plein dans les heures du peakload. Par conséquent, ces heures sont de moins en moins chères.
L’équilibre offre-demande devient plus favorable aux consommateurs en milieu de journée. En début et en fin de journée, aux limites du peakload le plus souvent, la consommation domestique augmente alors que les centrales solaires ne sont pas encore à pleine puissance. On assiste ainsi à un renversement des courbes côté spot, où le peakload moyen sur l’année 2024 a été moins cher que le baseload moyen. Cela renforce l’attractivité de stratégie spécifique comme le bloc + spot pour les entreprises fortes consommatrices d’électricité.
Le baseload et le peakload à l’heure de la transition énergétique : le temps de l’adaptation
Aujourd’hui, la différence entre peakload et baseload n’a donc plus la même signification. La plateforme boursière du marché de l’électricité en Europe, EEX, a même modifié le peakload en Espagne pour en faire un produit disponible sur tous les jours de la semaine, la production photovoltaïque ne s’arrêtant pas les jours non-ouvrés.
Alors qu’on pouvait précédemment y voir un parallèle avec les heures creuses, ce n’est plus aussi vrai tant que celles-ci n’ont pas été modifiées, même si la CRE prévoit un basculement des heures creuses vers le milieu de journée à partir de l’automne 2025.
Mi-mai, le gouvernement a d’ailleurs incité les fournisseurs d’énergie a développé de nouvelles offres avec des heures dites super creuses ou solaires. Elles doivent diriger une partie de la consommation d’électricité pour recharger les véhicules électriques vers des périodes de forte production renouvelable.
Aujourd’hui, l’objectif pour le réseau électrique est de lisser la consommation au fil de la journée. En augmentant cette base, le recours à des centrales fossiles diminuera encore.
Mieux, en y ajoutant des réseaux toujours plus intelligente, davantage de flexibilité voire des batteries plus performantes et capables de devenir une ressource pour le peakload avec le power to grid (P2G), le réseau va devenir plus résilient encore.
Et en l’adoptant, on gagne une ressource aussi variable que les courbes de consommation, mais devenue pilotable grâce aux bons outils.
C’est la force du papillon. Jamais seulement chenille, pas toujours caché dans sa chrysalide, il adopte son propre rythme. Celui d’un réseau agile qui se transforme selon les cycles et les besoins.
Nul besoin de courir, il faut se brancher à point.

Article rédigé par Côme Tessier
Rédacteur web pour Collectif Énergie, je m’évertue à glisser des touches sportives ou des notes sucrées pour rendre plus accessibles les sujets liés à l’énergie. Sans jamais oublier de traquer les doubles espaces qui perturbent la lecture.