La PPE, on en parle presque tous les mois depuis le début de l’année. Car la PPE connaît son lot de rebondissements, de retards, d’abandons et surtout de crispations à répétition. Mais qui sait vraiment ce que signifie une PPE et son utilité réelle ?

La Programmation pluriannuelle de l’énergie, puisque c’est son vrai nom, est un pilier du PNEC. Mazette, encore un sigle ? Ce Plan national énergie-climat est lui-même le socle sur lequel la France s’appuie pour atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050.

Le PNEC comprend ainsi une PPE, qui définit les besoins énergétiques du pays associés à la manière d’avancer sur une transition hors des énergies fossiles, une Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) et enfin un Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC).

La SFEC transpose des textes internationaux et européens via la PPE, la SNBC et le PNACC

La SFEC transpose des textes internationaux et européens via la PPE, la SNBC et le PNACC, en conformité avec les textes juridiques nationaux.

Ensemble, tous ces documents régulièrement révisés et actualisés constituent la politique climatique et énergétique du pays. Ils entrent dans le cadre des Accords de Paris et de la politique climatique définie au niveau de l’Union européenne avec une réduction des émissions carbone à plusieurs échéances, à commencer par une baisse de 55 % en 2030. Le rôle de la SFEC est de transposer au niveau national ces textes internationaux.

À quoi sert vraiment la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie ?

Si l’objectif 2050 est clair, pourquoi a-t-on besoin d’une PPE revue tous les cinq ans ? La France affiche désormais un mix électrique très largement décarboné, à 97 % environ en 2024. Les plus réfractaires à la transition énergétique estiment dès lors qu’elle n’est pas utile pour nous. Le travail est déjà fait.

Mais il faut comprendre le réel enjeu de la PPE. Celle-ci n’agit pas que sur l’électricité. Il s’agit de décarboner l’ensemble de la consommation et de la production d’énergie. Surtout, elle ne concerne pas directement aujourd’hui et le mix énergétique de 2025.

La PPE agit sur le futur, comme une feuille de route pour plusieurs filières. Ce travail est essentiel pour répondre à des enjeux souvent simultanés et coordonnés : sortir de la dépendance aux fossiles, lutter contre le réchauffement climatique et décarboner les usages.

La boussole pour atteindre la neutralité carbone

Pour que la France soit neutre en carbone, il faudrait notamment que sa dépense énergétique annuelle passe de 1500 TWh à environ 1060 TWh en 2050, dont 54 % d’électricité et 42 % d’énergies renouvelables non électriques.

La consommation finale énergétique en France doit atteindre 1060 TWh en 2050, selon la PPE, dont 0 % d'énergie fossile.

L’enjeu de la PPE est de définir l’ampleur des moyens de production énergétique nécessaires pour parvenir à un tel mix. En cohérence avec l’électrification des usages, ce mix doit en parallèle être le garant de la souveraineté énergétique de la France, avec une production locale qui réduira fortement l’importation de combustibles (hors uranium).

Définir le cap de notre avenir énergétique

Les objectifs fixés par filière de production d’énergie – et pas seulement pour l’électricité – sont donc généralement scrutés de près pour une PPE. C’est ce signal qui donne un aperçu des tendances voulues par l’exécutif dans la transition énergétique.

La PPE précise également à chaque filière les principes de soutien pour leur mise en place, qu’il s’agisse de processus d’appels d’offres (comme pour l’éolien en mer), d’arrêtés tarifaires (solaire de petite et moyenne taille) ou de dispositifs comme le Fonds chaleur ou MaPrimeRénov’.

Dans le détail, la dernière version de la 3e PPE (pour la période 2025-2033) liste les puissances installées et les productions (pour le nucléaire ou les usages énergétiques non électriques) suivantes.

2022 Objectif 2035
Nucléaire 279 TWh* (56 réacteurs) 360 TWh (57 réacteurs)
Photovoltaïque 16 GW Entre 65 et 90 GW
Éolien terrestre 21 GW Entre 40 et 45 GW
Éolien en mer 0,6 GW 18 GW
Hydroélectricité 25,9 GW 28,7 GW
Chaleur et froid renouvelables 172 TWh Entre 330 et 419 TWh
Biogaz 17,7 TWh Entre 50 et 85 TWh
Biocarburants 38,5 TWh Entre 70 et 90 TWh
Hydrogène 0 GW 8 GW
Part des énergies fossiles Environ 60 % 30 %

* La production nucléaire française a atteint un point bas historique en 2022, mais elle était de 361,7 TWh en 2024.

Ainsi, le photovoltaïque semblerait être le principal moteur de l’électrification. Mais la PPE s’intéresse aussi à la production de chaleur et de biogaz, deux vecteurs précieux pour décarboner nos activités, grâce à la biomasse et au principe de méthanisation.

Cependant, cette dernière version de la PPE cache un recul des énergies renouvelables, pour lesquelles la fourchette basse à l’horizon 2030 a souvent été retenue – limitant de fait le développement d’une filière nationale. Le nucléaire, à l’inverse, ferait l’objet d’une forte relance… pour l’après-PPE, puisque les prochains réacteurs produiront de l’électricité à partir de 2038.

Un outil piloté par l’exécutif sous l’œil des parlementaires

La PPE ne doit pas nécessairement être votée au Parlement et entrer dans le cadre d’une loi. Elle peut aussi être adoptée par décret. Néanmoins, la loi prévoit que l’avenir énergétique du pays soit contrôlé par les élu·es.

De plus, des projets de loi de programmation énergétique peuvent être débattus. C’est le cas actuellement avec le projet de loi Gremillet, discuté à l’Assemblée nationale à partir du 16 juin. Le gouvernement a finalement choisi de patienter et d’attendre les débats sur cette loi pour finaliser sa PPE afin de ne pas crisper les parlementaires.

… et mis à jour régulièrement

Théoriquement, la PPE est publiée par le gouvernement tous les cinq ans pour une période de dix ans. Ce choix stratégique permet de rectifier d’éventuelles incohérences mais surtout de réaligner avec les objectifs annoncés par l’exécutif… ou la réalité de l’évolution du marché et des filières.

La puissance des modules photovoltaïques ou des pales éoliennes ne cesse de progresser. Le développement de l’hydrogène est encore incertain, avec des défis financiers et techniques soulevés par la Cour des comptes. Tout cela nécessite de pouvoir réajuster régulièrement la feuille de route.

Cependant, la PPE actuelle étant en retard de bientôt deux ans, cela signifie également qu’elle sera suivie immédiatement du débat… sur la nouvelle PPE pour 2030-2040. Un débat qui peut alors paraître sans fin.

Quels objectifs concrets vise la PPE actuelle ?

La PPE est un texte encadré par la loi française et en particulier par le code de l’énergie, la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (2015) et celle relative à l’énergie et au climat (2019).

Dans le détail, elle doit inclure 6 volets sur :

Accélérer sur les énergies renouvelables (solaire, éolien, biomasse, etc.)

Dans sa dernière version, à date, la 3e PPE propose un développement assez important des énergies renouvelables. La puissance du parc photovoltaïque pourrait être multipliée par cinq dans les dix prochaines années. Cela revient à un rythme soutenu de 4 à 7 GW supplémentaires par an.

Hors électricité, la chaleur renouvelable et le biogaz ne sont pas en reste. La filière méthanisation par exemple, pour accentuer le développement du gaz renouvelable et diminuer les importations de GNL, pourrait voir sa puissance être également multipliée par cinq !

Elle acte donc précisément pour un rythme soutenu d’installation de nouvelles centrales, même si certains objectifs précis ont été revus à la baisse. Des secteurs de l’énergie comme l’éolien terrestre ou le photovoltaïque tourné vers des petites infrastructures et l’autoconsommation peuvent craindre de prendre du retard dans leur croissance à cause d’un soutien trop amoindri.

En parallèle, les débats sur le projet de loi « Gremillet » peuvent également mettre à mal certains objectifs fixés, car l’Assemblée nationale se distingue par une forte opposition aux renouvelables. Pour l’éolien en mer, par exemple, cela risque d’affaiblir l’industrie française du secteur.

Préciser l’avenir du parc nucléaire français

C’est la grande différence entre la PPE actuellement en attente et la PPE précédente : la relance de la filière nucléaire. Même si aucun réacteur ne pourra être mis en service au cours de la période de cette 3e PPE – les EPR2 entreront en service à partir de 2038 au plus tôt –, elle ne prévoit pas non plus de fermeture.

En 2035, les 57 réacteurs actuellement en service – dont Flamanville-3 – devraient toujours être en fonctionnement.

La PPE prépare ainsi la place à un renouvellement du parc actuel… voire son renforcement. En parallèle, la loi Gremillet souhaite imposer le maintien de 50 % minimum de nucléaire dans le mix électrique final en 2050.

Maîtriser notre consommation d’énergie finale

La PPE comporte également un volet essentiel sur les besoins en sobriété et en efficacité énergétiques. Directive efficacité énergétique, rénovation thermique des bâtiments ou encore décret tertiaire sont des sous-éléments dont la PPE tient compte pour fixer la trajectoire à tenir.

Ainsi, cette programmation pluriannuelle indique l’évolution souhaitée pour la consommation selon les secteurs d’activité et par source d’énergie afin d’aboutir à une baisse de la consommation en énergie finale.

Objectifs de réduction de la consommation finale énergétique par source d’énergie dans la PPE 2025-2035.

Pour des entreprises du secteur tertiaire, par exemple, la PPE donne des indications sur les futurs décrets et règlements qui s’imposeront à elle. D’autres vecteurs portent sur la réutilisation de la chaleur fatale dans les centres de données de plus de 1 MW, un travail spécifique sur les 50 sites industriels à décarboner en priorité, etc.

Enfin, la PPE encadre la montée progressive des Certificats d’économie d’énergie pour les acteurs obligés, dont la 6e période doit être mise en œuvre début 2026 et pourrait indirectement augmenter la facture des consommateurs.

Toutes ces « actions conso » sont présentées plus précisément dans la Stratégie nationale bas carbone.

Garantir notre sécurité d’approvisionnement électrique

En visant la sortie des fossiles, la PPE s’attaque également à la sécurité de l’approvisionnement. Cela passe par une réduction des besoins et de la demande en gaz et en pétrole, mais aussi en une diversification des sources d’approvisionnement pour moins dépendre de pays sensibles ou autocratiques comme la Russie ou l’Iran.

Au-delà, la PPE vise le développement de filières locales et d’emplois durables pour accélérer le renouvelable et relancer le nucléaire. À terme, cela doit permettre une plus grande souveraineté énergétique de l’Europe et de la France.

Enfin, cet aspect programmatique d’une PPE – ça fait partie de son nom – avec un rythme de déploiement clair et prévisible permet de flécher des investissements côté production ou côté consommation, par exemple dans l’électrification de process industriels.

Verdir nos transports et nos mobilités professionnelles

La stratégie de développement des mobilités propres est une annexe à la PPE. Ce document permet de flécher la stratégie pour électrifier le parc automobile privé et professionnel, léger et lourd, en accord avec l’objectif d’interdiction de vente de véhicules thermiques neufs dès 2035.

Pour parvenir à rendre ces véhicules accessibles et désirables, ce document inclus dans la PPE donne des indications sur les aides nécessaires à l’acquisition ou le développement des infrastructures de recharge. En parallèle, la PPE fixe des objectifs d’incorporation de biocarburants afin de réduire l’intensité carbone des mobilités.

Protéger le pouvoir d’achat et former aux nouveaux métiers

La PPE est une politique d’investissements. Elle a donc un coût immédiat indéniable, que ce soit pour l’installation de parcs éoliens ou pour prévoir la construction de réacteurs nucléaires EPR2 – les dernières estimations s’élèvent à 100 milliards d’euros pour 6 réacteurs.

Mais accentuer le rythme d’installation de certaines sources d’énergie ou développer des capacités de stockage ou de production d’hydrogène est un choix stratégique. Le gouvernement estime que cela permettra de réduire l’exposition des consommateurs à la volatilité des prix des combustibles fossiles et la facture énergétique du pays.

Par ailleurs, l’électrification doit s’accompagner d’une réduction de l’énergie finale consommée avec des gains d’efficacité. Le développement de réseaux intelligents doit enfin accentuer la flexibilité électrique du côté des consommateurs, pour lisser les périodes de forte consommation et limiter le recours à des centrales émettrices de CO2.

Le coût de la transition énergétique et de la PPE, un sujet à controverses

Cependant, ce sujet du prix de l’énergie issu de la PPE est l’objet de nombreuses crispations et critiques. Pour les opposants à certaines filières – qu’il s’agisse du nucléaire ou des renouvelables –, la PPE serait à l’origine de l’inflation des prix de l’énergie.

  • Le nucléaire fait craindre à certains opposants un manque de maîtrise des investissements nécessaires, après le surcoût de construction à Flamanville.
  • Dans le même temps, le photovoltaïque et l’éolien sont particulièrement accusés de faire gonfler les prix de transport et de rénovation du réseau électrique, mais aussi d’être subventionnés pour produire en dehors des périodes de consommation. Leur coût est surévalué à 300 milliards d’euros (en 35 ans) par certains opposants.
  • Enfin, les tenants de la transition énergétique insistent sur les importations actuelles d’hydrocarbures, estimées à environ 70 milliards d’euros par an. Les renouvelables, l’électrification et la méthanisation doivent permettre d’économiser la quasi-totalité de cette somme à l’avenir. Et donc garantir la défense du pouvoir d’achat, même en cas de conflit extérieur à la France – comme en Ukraine en 2022 ou au Moyen-Orient depuis le 7 octobre 2023.

Conclusion : la PPE est un texte sensible, en perpétuelle évolution… mais impératif pour le secteur énergétique

Ainsi, la PPE est un texte politique, au sens où elle vient s’inscrire dans le cadre d’une politique climatique nationale, européenne et internationale. Elle montre l’intervention et la volonté de l’État pour tenir ses engagements de neutralité carbone.

Cela rend le débat autour de chaque PPE d’autant plus crucial et vif que la priorisation de choix énergétiques et climatiques ne fait pas consensus. En plein backlash environnemental dans toute l’Europe, la PPE sert de révélateur. Avant la prochaine Cop30 de Belém, au Brésil, cet indicateur aura de l’importance. La France a-t-elle l’ambition de se passer des énergies fossiles ? À quoi ressemblera le parc automobile dans 15 ans ? Quelles seront les aides ou les nouvelles taxes qui viendront aider à piloter cette transition énergétique ?

Cependant, il est difficile de prédire la consommation future. Les derniers scénarios dressés par RTE préfèrent d’ailleurs établir plusieurs possibilités, en fonction par exemple du niveau de réindustrialisation de la France ou du déploiement effectif de la mobilité individuelle électrique.

Sans PPE, les acteurs de l’énergie ne peuvent avancer sur un rythme de déploiement cohérent dès aujourd’hui. C’est une feuille de route qui permet de maîtriser ses investissements vers la transition énergétique. Elle permet de solidifier et de structurer toute une filière nationale de l’énergie. Pour les consommateurs, sa publication doit aider à avancer vers des choix stratégiques d’électrification, d’optimisation des coûts et de maîtrise de ses besoins énergétiques.

Car dès maintenant, l’essentiel est d’avancer vers une énergie décarbonée abondante et maîtrisée en France, avec un coût compétitif pour les entreprises nationales. Cela semble plus que jamais essentiel pour ne pas rater le tournant de 2050 et limiter à 1,5 °C le dérèglement climatique par rapport à l’ère préindustrielle.

Article rédigé par Côme Tessier

Rédacteur web pour Collectif Énergie, je m’évertue à glisser des touches sportives ou des notes sucrées pour rendre plus accessibles les sujets liés à l’énergie. Sans jamais oublier de traquer les doubles espaces qui perturbent la lecture.

La PPE, on en parle presque tous les mois depuis le début de l’année. Car la PPE connaît son lot de rebondissements, de retards, d’abandons et surtout de crispations à répétition. Mais qui sait vraiment ce que signifie une PPE et son utilité réelle ?

La Programmation pluriannuelle de l’énergie, puisque c’est son vrai nom, est un pilier du PNEC. Mazette, encore un sigle ? Ce Plan national énergie-climat est lui-même le socle sur lequel la France s’appuie pour atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050.

Le PNEC comprend ainsi une PPE, qui définit les besoins énergétiques du pays associés à la manière d’avancer sur une transition hors des énergies fossiles, une Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) et enfin un Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC).

La SFEC transpose des textes internationaux et européens via la PPE, la SNBC et le PNACC

La SFEC transpose des textes internationaux et européens via la PPE, la SNBC et le PNACC, en conformité avec les textes juridiques nationaux.

Ensemble, tous ces documents régulièrement révisés et actualisés constituent la politique climatique et énergétique du pays. Ils entrent dans le cadre des Accords de Paris et de la politique climatique définie au niveau de l’Union européenne avec une réduction des émissions carbone à plusieurs échéances, à commencer par une baisse de 55 % en 2030. Le rôle de la SFEC est de transposer au niveau national ces textes internationaux.

À quoi sert vraiment la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie ?

Si l’objectif 2050 est clair, pourquoi a-t-on besoin d’une PPE revue tous les cinq ans ? La France affiche désormais un mix électrique très largement décarboné, à 97 % environ en 2024. Les plus réfractaires à la transition énergétique estiment dès lors qu’elle n’est pas utile pour nous. Le travail est déjà fait.

Mais il faut comprendre le réel enjeu de la PPE. Celle-ci n’agit pas que sur l’électricité. Il s’agit de décarboner l’ensemble de la consommation et de la production d’énergie. Surtout, elle ne concerne pas directement aujourd’hui et le mix énergétique de 2025.

La PPE agit sur le futur, comme une feuille de route pour plusieurs filières. Ce travail est essentiel pour répondre à des enjeux souvent simultanés et coordonnés : sortir de la dépendance aux fossiles, lutter contre le réchauffement climatique et décarboner les usages.

La boussole pour atteindre la neutralité carbone

Pour que la France soit neutre en carbone, il faudrait notamment que sa dépense énergétique annuelle passe de 1500 TWh à environ 1060 TWh en 2050, dont 54 % d’électricité et 42 % d’énergies renouvelables non électriques.

La consommation finale énergétique en France doit atteindre 1060 TWh en 2050, selon la PPE, dont 0 % d'énergie fossile.

L’enjeu de la PPE est de définir l’ampleur des moyens de production énergétique nécessaires pour parvenir à un tel mix. En cohérence avec l’électrification des usages, ce mix doit en parallèle être le garant de la souveraineté énergétique de la France, avec une production locale qui réduira fortement l’importation de combustibles (hors uranium).

Définir le cap de notre avenir énergétique

Les objectifs fixés par filière de production d’énergie – et pas seulement pour l’électricité – sont donc généralement scrutés de près pour une PPE. C’est ce signal qui donne un aperçu des tendances voulues par l’exécutif dans la transition énergétique.

La PPE précise également à chaque filière les principes de soutien pour leur mise en place, qu’il s’agisse de processus d’appels d’offres (comme pour l’éolien en mer), d’arrêtés tarifaires (solaire de petite et moyenne taille) ou de dispositifs comme le Fonds chaleur ou MaPrimeRénov’.

Dans le détail, la dernière version de la 3e PPE (pour la période 2025-2033) liste les puissances installées et les productions (pour le nucléaire ou les usages énergétiques non électriques) suivantes.

2022 Objectif 2035
Nucléaire 279 TWh* (56 réacteurs) 360 TWh (57 réacteurs)
Photovoltaïque 16 GW Entre 65 et 90 GW
Éolien terrestre 21 GW Entre 40 et 45 GW
Éolien en mer 0,6 GW 18 GW
Hydroélectricité 25,9 GW 28,7 GW
Chaleur et froid renouvelables 172 TWh Entre 330 et 419 TWh
Biogaz 17,7 TWh Entre 50 et 85 TWh
Biocarburants 38,5 TWh Entre 70 et 90 TWh
Hydrogène 0 GW 8 GW
Part des énergies fossiles Environ 60 % 30 %

* La production nucléaire française a atteint un point bas historique en 2022, mais elle était de 361,7 TWh en 2024.

Ainsi, le photovoltaïque semblerait être le principal moteur de l’électrification. Mais la PPE s’intéresse aussi à la production de chaleur et de biogaz, deux vecteurs précieux pour décarboner nos activités, grâce à la biomasse et au principe de méthanisation.

Cependant, cette dernière version de la PPE cache un recul des énergies renouvelables, pour lesquelles la fourchette basse à l’horizon 2030 a souvent été retenue – limitant de fait le développement d’une filière nationale. Le nucléaire, à l’inverse, ferait l’objet d’une forte relance… pour l’après-PPE, puisque les prochains réacteurs produiront de l’électricité à partir de 2038.

Un outil piloté par l’exécutif sous l’œil des parlementaires

La PPE ne doit pas nécessairement être votée au Parlement et entrer dans le cadre d’une loi. Elle peut aussi être adoptée par décret. Néanmoins, la loi prévoit que l’avenir énergétique du pays soit contrôlé par les élu·es.

De plus, des projets de loi de programmation énergétique peuvent être débattus. C’est le cas actuellement avec le projet de loi Gremillet, discuté à l’Assemblée nationale à partir du 16 juin. Le gouvernement a finalement choisi de patienter et d’attendre les débats sur cette loi pour finaliser sa PPE afin de ne pas crisper les parlementaires.

… et mis à jour régulièrement

Théoriquement, la PPE est publiée par le gouvernement tous les cinq ans pour une période de dix ans. Ce choix stratégique permet de rectifier d’éventuelles incohérences mais surtout de réaligner avec les objectifs annoncés par l’exécutif… ou la réalité de l’évolution du marché et des filières.

La puissance des modules photovoltaïques ou des pales éoliennes ne cesse de progresser. Le développement de l’hydrogène est encore incertain, avec des défis financiers et techniques soulevés par la Cour des comptes. Tout cela nécessite de pouvoir réajuster régulièrement la feuille de route.

Cependant, la PPE actuelle étant en retard de bientôt deux ans, cela signifie également qu’elle sera suivie immédiatement du débat… sur la nouvelle PPE pour 2030-2040. Un débat qui peut alors paraître sans fin.

Quels objectifs concrets vise la PPE actuelle ?

La PPE est un texte encadré par la loi française et en particulier par le code de l’énergie, la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (2015) et celle relative à l’énergie et au climat (2019).

Dans le détail, elle doit inclure 6 volets sur :

Accélérer sur les énergies renouvelables (solaire, éolien, biomasse, etc.)

Dans sa dernière version, à date, la 3e PPE propose un développement assez important des énergies renouvelables. La puissance du parc photovoltaïque pourrait être multipliée par cinq dans les dix prochaines années. Cela revient à un rythme soutenu de 4 à 7 GW supplémentaires par an.

Hors électricité, la chaleur renouvelable et le biogaz ne sont pas en reste. La filière méthanisation par exemple, pour accentuer le développement du gaz renouvelable et diminuer les importations de GNL, pourrait voir sa puissance être également multipliée par cinq !

Elle acte donc précisément pour un rythme soutenu d’installation de nouvelles centrales, même si certains objectifs précis ont été revus à la baisse. Des secteurs de l’énergie comme l’éolien terrestre ou le photovoltaïque tourné vers des petites infrastructures et l’autoconsommation peuvent craindre de prendre du retard dans leur croissance à cause d’un soutien trop amoindri.

En parallèle, les débats sur le projet de loi « Gremillet » peuvent également mettre à mal certains objectifs fixés, car l’Assemblée nationale se distingue par une forte opposition aux renouvelables. Pour l’éolien en mer, par exemple, cela risque d’affaiblir l’industrie française du secteur.

Préciser l’avenir du parc nucléaire français

C’est la grande différence entre la PPE actuellement en attente et la PPE précédente : la relance de la filière nucléaire. Même si aucun réacteur ne pourra être mis en service au cours de la période de cette 3e PPE – les EPR2 entreront en service à partir de 2038 au plus tôt –, elle ne prévoit pas non plus de fermeture.

En 2035, les 57 réacteurs actuellement en service – dont Flamanville-3 – devraient toujours être en fonctionnement.

La PPE prépare ainsi la place à un renouvellement du parc actuel… voire son renforcement. En parallèle, la loi Gremillet souhaite imposer le maintien de 50 % minimum de nucléaire dans le mix électrique final en 2050.

Maîtriser notre consommation d’énergie finale

La PPE comporte également un volet essentiel sur les besoins en sobriété et en efficacité énergétiques. Directive efficacité énergétique, rénovation thermique des bâtiments ou encore décret tertiaire sont des sous-éléments dont la PPE tient compte pour fixer la trajectoire à tenir.

Ainsi, cette programmation pluriannuelle indique l’évolution souhaitée pour la consommation selon les secteurs d’activité et par source d’énergie afin d’aboutir à une baisse de la consommation en énergie finale.

Objectifs de réduction de la consommation finale énergétique par source d’énergie dans la PPE 2025-2035.

Pour des entreprises du secteur tertiaire, par exemple, la PPE donne des indications sur les futurs décrets et règlements qui s’imposeront à elle. D’autres vecteurs portent sur la réutilisation de la chaleur fatale dans les centres de données de plus de 1 MW, un travail spécifique sur les 50 sites industriels à décarboner en priorité, etc.

Enfin, la PPE encadre la montée progressive des Certificats d’économie d’énergie pour les acteurs obligés, dont la 6e période doit être mise en œuvre début 2026 et pourrait indirectement augmenter la facture des consommateurs.

Toutes ces « actions conso » sont présentées plus précisément dans la Stratégie nationale bas carbone.

Garantir notre sécurité d’approvisionnement électrique

En visant la sortie des fossiles, la PPE s’attaque également à la sécurité de l’approvisionnement. Cela passe par une réduction des besoins et de la demande en gaz et en pétrole, mais aussi en une diversification des sources d’approvisionnement pour moins dépendre de pays sensibles ou autocratiques comme la Russie ou l’Iran.

Au-delà, la PPE vise le développement de filières locales et d’emplois durables pour accélérer le renouvelable et relancer le nucléaire. À terme, cela doit permettre une plus grande souveraineté énergétique de l’Europe et de la France.

Enfin, cet aspect programmatique d’une PPE – ça fait partie de son nom – avec un rythme de déploiement clair et prévisible permet de flécher des investissements côté production ou côté consommation, par exemple dans l’électrification de process industriels.

Verdir nos transports et nos mobilités professionnelles

La stratégie de développement des mobilités propres est une annexe à la PPE. Ce document permet de flécher la stratégie pour électrifier le parc automobile privé et professionnel, léger et lourd, en accord avec l’objectif d’interdiction de vente de véhicules thermiques neufs dès 2035.

Pour parvenir à rendre ces véhicules accessibles et désirables, ce document inclus dans la PPE donne des indications sur les aides nécessaires à l’acquisition ou le développement des infrastructures de recharge. En parallèle, la PPE fixe des objectifs d’incorporation de biocarburants afin de réduire l’intensité carbone des mobilités.

Protéger le pouvoir d’achat et former aux nouveaux métiers

La PPE est une politique d’investissements. Elle a donc un coût immédiat indéniable, que ce soit pour l’installation de parcs éoliens ou pour prévoir la construction de réacteurs nucléaires EPR2 – les dernières estimations s’élèvent à 100 milliards d’euros pour 6 réacteurs.

Mais accentuer le rythme d’installation de certaines sources d’énergie ou développer des capacités de stockage ou de production d’hydrogène est un choix stratégique. Le gouvernement estime que cela permettra de réduire l’exposition des consommateurs à la volatilité des prix des combustibles fossiles et la facture énergétique du pays.

Par ailleurs, l’électrification doit s’accompagner d’une réduction de l’énergie finale consommée avec des gains d’efficacité. Le développement de réseaux intelligents doit enfin accentuer la flexibilité électrique du côté des consommateurs, pour lisser les périodes de forte consommation et limiter le recours à des centrales émettrices de CO2.

Le coût de la transition énergétique et de la PPE, un sujet à controverses

Cependant, ce sujet du prix de l’énergie issu de la PPE est l’objet de nombreuses crispations et critiques. Pour les opposants à certaines filières – qu’il s’agisse du nucléaire ou des renouvelables –, la PPE serait à l’origine de l’inflation des prix de l’énergie.

  • Le nucléaire fait craindre à certains opposants un manque de maîtrise des investissements nécessaires, après le surcoût de construction à Flamanville.
  • Dans le même temps, le photovoltaïque et l’éolien sont particulièrement accusés de faire gonfler les prix de transport et de rénovation du réseau électrique, mais aussi d’être subventionnés pour produire en dehors des périodes de consommation. Leur coût est surévalué à 300 milliards d’euros (en 35 ans) par certains opposants.
  • Enfin, les tenants de la transition énergétique insistent sur les importations actuelles d’hydrocarbures, estimées à environ 70 milliards d’euros par an. Les renouvelables, l’électrification et la méthanisation doivent permettre d’économiser la quasi-totalité de cette somme à l’avenir. Et donc garantir la défense du pouvoir d’achat, même en cas de conflit extérieur à la France – comme en Ukraine en 2022 ou au Moyen-Orient depuis le 7 octobre 2023.

Conclusion : la PPE est un texte sensible, en perpétuelle évolution… mais impératif pour le secteur énergétique

Ainsi, la PPE est un texte politique, au sens où elle vient s’inscrire dans le cadre d’une politique climatique nationale, européenne et internationale. Elle montre l’intervention et la volonté de l’État pour tenir ses engagements de neutralité carbone.

Cela rend le débat autour de chaque PPE d’autant plus crucial et vif que la priorisation de choix énergétiques et climatiques ne fait pas consensus. En plein backlash environnemental dans toute l’Europe, la PPE sert de révélateur. Avant la prochaine Cop30 de Belém, au Brésil, cet indicateur aura de l’importance. La France a-t-elle l’ambition de se passer des énergies fossiles ? À quoi ressemblera le parc automobile dans 15 ans ? Quelles seront les aides ou les nouvelles taxes qui viendront aider à piloter cette transition énergétique ?

Cependant, il est difficile de prédire la consommation future. Les derniers scénarios dressés par RTE préfèrent d’ailleurs établir plusieurs possibilités, en fonction par exemple du niveau de réindustrialisation de la France ou du déploiement effectif de la mobilité individuelle électrique.

Sans PPE, les acteurs de l’énergie ne peuvent avancer sur un rythme de déploiement cohérent dès aujourd’hui. C’est une feuille de route qui permet de maîtriser ses investissements vers la transition énergétique. Elle permet de solidifier et de structurer toute une filière nationale de l’énergie. Pour les consommateurs, sa publication doit aider à avancer vers des choix stratégiques d’électrification, d’optimisation des coûts et de maîtrise de ses besoins énergétiques.

Car dès maintenant, l’essentiel est d’avancer vers une énergie décarbonée abondante et maîtrisée en France, avec un coût compétitif pour les entreprises nationales. Cela semble plus que jamais essentiel pour ne pas rater le tournant de 2050 et limiter à 1,5 °C le dérèglement climatique par rapport à l’ère préindustrielle.

Article rédigé par Côme Tessier

Rédacteur web pour Collectif Énergie, je m’évertue à glisser des touches sportives ou des notes sucrées pour rendre plus accessibles les sujets liés à l’énergie. Sans jamais oublier de traquer les doubles espaces qui perturbent la lecture.

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